- Peine de mort en Afrique
Une tendance vers l’abolition est aujourd’hui observable en Afrique. En effet, au 1er octobre 2021,23 pays sur 55 membres que compte l’Union africaine ont aboli la peine de mort en droit. Cependant, certains pays maintiennent la peine de mort dans le droit et leurs tribunaux continuent de prononcer des condamnations.
D’autres moins nombreux continuent d’exécuter ces condamnés. En Afrique, plus particulièrement en Afrique centrale, certains pays ont aboli la peine de mort (les derniers étant le Gabon en 2010, le Congo en 2015, le Tchad en 2020, la Sierra Leone (2021), en 2022 en Zambie, Guinnée Equatoriale et centre Afrique, d’autres pays sont favorables à son abolition et d’autres enfin s’accrochent à son maintien.
Le nombre d’exécution n’a jamais été très élevé même à l’époque où la peine de mort était inscrite dans l’arsenal juridique de presque tous les Etats africains.
Le continent s’inscrit dans le mouvement international en faveur de l’abolition universelle.
2. L’histoire de la peine de mort en RDC
Depuis l’appropriation des terres congolaises par le roi de belge et tout au long de la colonisation, la peine de mort a été appliquée de manière discriminatoire et s’est reposé principalement sur la justice militaire, dans une logique de domination des colons.
Une fois l’indépendance acquise, les condamnations à mort ont été relativement rares au cours du régime de Mobutu. Elles ont été prononcées par des juridictions militaires d’exception contre les personnalités politiques avec l’objectif de renforcer le régime, en luttant contre des complots réels ou imaginaires.
La présidence de Laurent Désiré KABILA a modifié ce positionnement avec la création de la Cour d’Ordre Militaire, la peine de mort était fréquemment prononcée et exécutée dans des conditions de violations graves des garanties fondamentales des droits des accusés. Il ne s’agit plus de condamner quelques personnes considérées comme des opposants, mais de discipliner les populations civiles et les forces de sécurité qui, du jour au lendemain, changent de commandement et doivent respecter l’ordre venu de l’ancien rebelle et ennemi. Avec l’avènement du régime de l’AFDL, la RDC devient, après la Chine, l’Etat qui comptait le plus d’exécutions capitales dans la période allant de 1997 à 1999.
On a à un moment pensé que la ratification en mars 2002 du statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale, allait enfin amener le législateur congolais à clarifier définitivement la situation de la peine de mort en s’alignant sur la philosophie abolitionniste du droit international pénal.
Les principaux commanditaires des crimes internationaux poursuivi par la CPI ne sont pas passibles de la peine de mort qui n’est pas prévue dans les statuts de Rome tandis que les exécutants, jugés par la justice congolaise, encourent cette peine.
En 2010, le parlement congolais, quasi unanimement, a rejeté une proposition de loi d’abolition présentée par le député André MBATA MANGU.
La Commission nationale des droits de l’homme a publié son premier avis portant sur la question de l’abolition de la peine de mort en octobre 2017 indiquant que la peine de mort n’avait plus de fondement constitutionnel et que les articles 16 et 61 de la Constitution allaient dans le sens de l’abolition. La Commission a ainsi recommandé à l’Etat de réhabiliter le moratoire sur la peine de mort et de voter en faveur de la résolution des Nations Unies sur un moratoire sur la peine de mort
En aout 2019, le député André MBATA avait déposé une nouvelle proposition de loi visant l’abolition de la peine de mort [1].
Si le Président TSHISEKEDI ne s’est pas encore officiellement prononcé sur l’abolition de la peine de mort, le Ministre en charge des congolais de l’étranger a rapporté en août 2019 que le Président était personnellement intervenu en faveur d’un ressortissant congolais, condamné à mort en Malaisie pour trafic de drogue, afin d’obtenir la commutation de sa peine [2]. Or une telle prise de position pour un citoyen condamné à mort à l’étranger ne peut avoir de sens que si les personnes condamnées à mort dans le pays bénéficient également d’une même mesure. Le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO avait décidé par voie d’ordonnance de commuer la condamnation à mort à la prison à vie. Le 31 Décembre 2020, le Chef de l’Etat avait commué la prison à vie à 20 ans de prison. L’ordonnance présidentielle précise que les personnes condamnées à 20 ans de prison et ayant purgé leurs peines au 31 décembre 2020 doivent être libérées. Plus de vingt personnes condamnées à mort pour l’assassinat de l’ancien Président de la République Démocratique du Congo Laurent Désiré KABILA ont été libérés
3. De la levée du moratoire de facto sur les exécutions capitales en RDC
Un moratoire est en quelque sorte un palier intermédiaire entre le maintien de la peine de mort et l’abolition. L’adoption d’un moratoire sur les exécutions devrait normalement n’être qu’une étape avant la décision finale d’interdiction de la peine de mort.
En décembre 1999, un moratoire sur les exécutions capitales est décrété et confirmé par une lettre adressée par le Président de la République LD KABILA à Kofi Annan alors Secrétaire Général des Nations Unies.
En 2001, à Genève, devant la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies, le Président Joseph KABILA s’engage solennellement à maintenir le moratoire de 1999.
En instituant ce moratoire, le Gouvernement congolais dit dans sa lettre d’intention : sa préférence pour une abolition progressive de la peine capitale.[1]
Le revirement spectaculaire du Gouvernement congolais observé à travers la publication de la note circulaire N°002/MME/CAB/ME/MIN/J&GS 2024 du 13 Mars 2024 du Ministre d’Etat et Ministre de la Justice qui révoque le moratoire de facto de plus de 20 ans observé, traduit un recul dans la protection du droit à la vie et atteste que l’Etat congolais a failli à son obligation constitutionnelle de respecter et de protéger la vie humaine qui du reste est sacrée.
Le moratoire observé jusque-là devrait conduire naturellement à l’abolition de la peine de mort et non à la reprise des exécutions.
- Le respect de l’engagement à abolir la peine de mort
Lors de son investiture en 2019, le Président Félix TSHISEKEDI s’est engagé à garantir les droits de l’Homme. Cet engagement a été confirmé lors de l’allocution du Vice-ministre de la Justice le 10 octobre 2019, annonçant la commutation de toutes les condamnations à mort ainsi que l’abolition de la peine de mort dans le projet du nouveau code pénal congolais, laissant présager des évolutions majeures en ce sens.
Le Gouvernement congolais est appelé à respecter cet engagement en abolissant la peine de mort qui est contraire au caractère sacré de la vie humaine que prêchent les religions. Seul Dieu peut ôter la vie.
En République Démocratique du Congo, comme ailleurs en Afrique les valeurs traditionnelles vont à l’encontre de la peine de mort.
Plaider pour l’abolition de la peine de mort n’est pas synonyme d’impunité pour les criminels, la justice peut doit être assurée et la société protégée par d’autres moyens dont entre autres des peines alternatives.
Les organisations membres du Rodhecic.