Les pesanteurs tribales dans l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs dans la première aire opérationnelle : défis et enjeux pour des élections libres, crédibles, transparentes et apaisées en RDC

La date du 24 décembre 2022 a marqué le début de l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs dans la première aire opérationnelle qui comprend dix des 26 provinces du pays, en l’occurrence : Equateur, Kinshasa, Kongo-Central, Kwango, Kwilu, Maï-Ndombe, Mongala, Nord-Ubangi, Sud-Ubangi et Tshuapa.

Derrière le jeu de l’enrôlement, il y a un enjeu et un défi important : la répartition des sièges. Parce que la répartition des sièges est liée au nombre de personnes enrôlées. Lorsqu’on enrôle moins dans telle ou telle autre communauté, il y aura un nouveau rapport dans la répartition des sièges ; on peut soit perdre des sièges soit en gagner d’autres. Et comme chez nous, généralement les élections sont géopolitiques, ce changement de rapports de force dans la répartition des sièges va se ressentir dans le rapport des forces entre majorité au sein des institutions notamment au niveau parlementaire. A part ça, il y a aussi le fait qu’on peut utiliser l’enrôlement pour créer une représentation artificielle qui ne soit pas en harmonie avec le rapport des forces sociologiques. Ça veut dire par exemple dans une communauté où vous avez plus, admettons les Yansi, mais après l’opération, il s’avère qu’on a enrôlé plus des Baboma, et donc dans le rapport des forces au niveau institutionnel, la représentation ne sera pas fidèle par rapport au rapport des forces sociologiques. Par conséquent, cette situation peut créer des tensions parce qu’il y aura un écart parfois criant entre le rapport des forces sociologiques et le rapport des forces artificielles créées par des institutions. Et comme les gens ne vont pas s’identifier dans la représentation, ça va créer des tensions et des problèmes politiques. Donc, c’est important de suivre les pesanteurs tribales parce que la répartition des sièges est un  enjeu très important de rapport des forces sociologiques.

En effet, il faudra regarder minutieusement la cartographie,   comment les bureaux d’enrôlement sont-ils cartographiés ? Est-ce que la cartographie des bureaux d’inscription a permis à chaque communauté de bien se représenter ? Car, c’est de là que provient le déséquilibre. C’est aux leaders communautaires de veiller à cela, mobiliser les populations à aller s’enrôler. Les bureaux sont-ils placés pour favoriser l’enrôlement d’une communauté au détriment d’une autre ? Sont-ils mis dans les conditions à même de faciliter l’accès à toutes les couches sociales et communautés locales ?

Les leaders communautaires doivent faire du bruit pour que la cartographie soit bonne et que la communauté soit suffisamment mobilisée pour s’enrôler. Ensuite, quand on va consolider le fichier, avant de voter la loi sur la répartition des sièges, quand on fait la consultation, il faut faire un effort de suivre la consolidation du fichier. C’est en ce moment que nous avons les premiers éléments qui peuvent montrer le déséquilibre. Mais là, c’est au niveau de l’audit du fichier. Il faudra que des leaders communautaires soient capables de suivre cet audit du fichier.

Probable création des majorités artificielles

La finalité de l’action politique est la conquête et la conservation du pouvoir. Pour certains, s’il faut conserver le pouvoir à tout prix parfois en forçant la démocratie, ils peuvent s’y prêter. La création des majorités  artificielles intervient quand on a le sentiment que les gens ne vont pas vous voter ou vous soutenir qu’on cherche à mettre en place des mécanismes pour changer la cartographie. Le découpage électoral est une stratégie des acteurs politiques pour pousser le processus à leurs avantages. Les acteurs se positionnent toujours pour trouver des positions à leurs avantages. Ils veulent être gouverneurs par exemple, ils estiment qu’une assemblée composée à majorité des gens de sa tribu l’aide à être gouverneur et pour cela ils commencent par pousser la cartographie pour que l’enrôlement change des rapports de forces dans la répartition des sièges, etc.

Vous allez par exemple en Ituri, avec les guerres entre Ema et Lendu, quand certains fuient la guerre, d’autres vont rester et vont s’enrôler, et donc vous aurez une Assemblée en Ituri qui ne sera pas composée des rapports de forces sociologiques parce que certains ont fui la guerre. Et tout ça va créer des problèmes qui vont profiter à certains qui vont avoir des Assemblées assez homogènes et pourront faire passer leurs ambitions devant.

A ce stade, il faut sensibiliser à l’enrôlement, faire un travail de sensibilisation à l’enrôlement, pousser les gens à aller s’enrôler pour qu’ils ne regrettent pas après en expliquant les enjeux derrière. Et puis, à ceux qui sont observateurs de relever tous les cas d’irrégularités dans la cartographie, des bureaux qui n’ouvrent pas, des bureaux virtuels et/ou fictifs, éventuellement des cas où vous         avez des stigmatisations et documenter pour servir de rapports.

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